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Mes publications

Ouvrages

POULAIN, F. (sous la dir), Les églises de l'Eure à l'épreuve du temps, Editions des Etoiles du Patrimoine, 2015, 240p.

DE MEYERE, A., POULAIN, F, La reconstruction dans l'Oise, Éditions de la direction départementale des Territoires de l'Oise, décembre 2010, 350p.

POULAIN, F, Les Ateliers d'urbanisme Associatifs, Éditions de la direction départementale des Territoires de l'Oise, juillet 2010, 229p.

DE MEYERE, A., POULAIN, F.Le Millefeuille de l'Oise, Éditions de la direction départementale des Territoires de l'Oise, octobre 2010, 160p.

DE MEYERE, A., POULAIN, F,Manuel des Territoires de l'Oise, ou comment territorialiser le Grenelle de l'Environnement, Éditions de la direction départementale de l'Equipement et de l'Agriculture de l'Oise, janvier 2010, 500p.

POULAIN, F, Le camping aujourd'hui en France, entre loisir et précarité, Éditions de la direction départementale de l'Equipement et de l'Agriculture de l'Oise, septembre 2009, 172p.

POULAIN, F., POULAIN, E.,  L'Esprit du camping, Cheminements, 2005 , Éditions Cheminements, octobre 2005, 312p.

POULAIN, F.,  Le guide du camping-caravaning sur parcelles privées, Cheminements, 2005 (disponible sur le site de cheminements), Éditions Cheminements, juin 2005, 128p.

COSSET, F., POULAIN, F., Ma cabane en Normandie, CRéCET, 2002 , Chalets, petites maisons et mobile homes du bord de mer, Coll. Les carnets d’ici, Centre Régional de Culture Ethnologique et Technique de Basse Normandie, 2002, 64p. ISBN 2-9508601-7-6 (br.)

 

Ouvrages collectifs

BOISSONADE, J., GUEVEL, S. POULAIN, F. (sous la dir.),Ville visible, ville invisible, Éditions l'Harmattan, 2009, 185p.

DE MEYERE, A. (sous la dir.), 2009, l'aménagement durable des territoires de l'Oise,Éditions de la direction départementale de l'Equipement et de l'Agriculture de l'Oise, 2009, 184p.

DE MEYERE, A. (sous la dir.), L'Oise, territoire 2008, Éditions de la direction départementale de l'Equipement de l'Oise, 2008, 127p.

 

Articles parus dans Bulletin des Amis des Monuments et Sites de l'Eure (2012-2014),Rapport sur le mal logement – Fondation Abbé Pierre(2008-2014),Études Foncières(2000-2009),Le Moniteur (2005),Espaces, Tourisme et Loisirs(2005- ),Les Cahiers de la RechercheArchitecturale et Urbaine (2004),Territoires(2004),Le Caravanier, camping-caravaning(2004),Cahiers Espaces (2001-2003),Labyrinthe (2001),Urbanisme(2000) + nombreux articles dans des revues grand public (Libération,Le Monde,Le Point,Le Moniteur,Ouest-France...)

 

Actes de colloques parus dans Changement climatique et prévention des risques sur le littoral, MEDAD (2007) « Camper au XXIesiècle, ou le paradoxe du mouvement arrêté » (2007)Identités en errance.Multi-identité, territoire impermanent et être social, BOUDREAULT, P-W, JEFFREY, D., (sous la dir.),Petites machines à habiter, Catalogue de l’exposition du concours « Home sweet mobile home ou l’habitat léger de loisirs », Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et d’Environnement de la Sarthe, (2004),« Le camping-caravaning sur parcelles privées, étude des effets réels d’une réduction des droits d’usage attachés au droit de propriété ».Droits de propriété, économie et environnement : le littoral, IVème conférence internationale(2004), FALQUE, M. et LAMOTTE, H., (sous la dir.).

14 janvier 2017 6 14 /01 /janvier /2017 15:12

En 2015, avec plus de 760 églises en activité pour quelques 675 communes, le département de l'Eure est bien doté en matière de patrimoine religieux. Or, la proportion qui prévalait jusqu'à présent de lier une commune à « son » église a été bouleversée avec la fusion de communes au 1er janvier 2016. Cela a conduit à une diminution du nombre de communes à 617 avec l'apparition de communes regroupant plus d'une quinzaine d'anciennes communes. Il est ainsi aujourd'hui possible de trouver dans l'Eure deux communes qui ont en gestion quelques 15 églises pour l'une et 22 pour l'autre. La question du devenir de ces églises en particulier devient d'actualité car, même si l'on peut espérer une gestion plus professionnelle de leur pérennité (contrat de révision annuelle des toitures ou des paratonnerres...), il est aussi évident que les élus commencent à imaginer leur reconversion partielle. L'objectif de la recherche menée actuellement est d'accompagner les élus au plus tôt dans leur réflexions afin que la perte en terme de patrimoine architectural, d'objets mobiliers et de sens apporté par ces édifices aux territoires soit la mieux appréhendée et partagée ; et la plus restreinte possible.

A. Un processus lancé auprès de toutes les communes, notamment les « nouvelles communes » fusionnées au 1er janvier 2016

Comme tant d'autres départements en France, la vie religieuse récente des communes a été marquée par trois périodes clés : celle de la Révolution Française, des fusions de communes qui en sont suivies et de la vente des églises comme biens nationaux, celle de la loi de séparation des Eglises et de l'Etat qui a attribué la propriété des bâtiments-églises aux communes et celle de la loi Notre et des nouvelles communes fusionnées qui en émergent.

1. Les églises vendues comme biens nationaux

Dans l'Eure, la Révolution Française ne correspond pas à la période de séparation entre la population rurale et le clergé, telle qu'on l'assimile souvent. Il serait erroné de croire que la Révolution a conduit les familles, notamment rurales, à rejeter leurs curés et à ne plus avoir de lien avec la religion. Il faut plutôt voir la période comme une série de transformations où les liens entre un pouvoir politique qui tendait vers la démocratie et un clergé catholique qui perdait son emprise sur une population dans son ensemble. Ainsi, la loi française fit évoluer profondément le rôle et la place du clergé puisque les curés devinrent fonctionnaires par la Constitution Civile du Clergé le 12 juillet 1790. Ils durent se déclarer « jurés » pour bénéficier du nouveau statut accompagné d'un salaire. Au début de la nouvelle ère politique, il n'était pas encore question de séparation réelle entre l'église et l'Etat, qui n'interviendra que 110 ans plus tard. Cette transition n'eut rien d'évident puisque certains curés se refusèrent à « jurer ». Ils n'avaient normalement plus le droit de célébrer la messe et d'occuper les lieux de culte. Mais la population rurale ne l'entendait pas ainsi et nombreux souhaitèrent que « leurs » curés continuent à célébrer la messe, même s'ils n'avaient pas jurés.

Les biens de l'Eglise, devenus nationaux le 2 novembre 1789, furent proposés à la vente dans de nombreux cas. Les églises furent rachetées parfois par les communes, les paroissiens, les nobles demeurés sur place... plus rarement par les curés eux-mêmes ; mais la majeure partie fut acquis par des marchands qui s'en servirent comme « carrières de pierres ». Pour protéger certaines églises ou par conviction et attachement aux idées révolutionnaires, les paroissiens ou élus les firent rebaptiser « Temples de la Raison », du nom de la déesse qui guidait les travaux révolutionnaires ou « Liberté, Egalité, Fraternité ». Ces inscriptions sont encore visibles aujourd'hui, soit au niveau des chevets comme à Saint-André de l'Eure ou à Ivry-la-Bataille, ou au-dessus de la porte d'entrée comme à Louversey, Chavigny-Bailleul ou à Verneuil-sur-Avre. Plus rarement, il est possible de trouver des inscriptions à l'intérieur des églises, comme sur la poutre au-dessus du retable majeur à Thomer-la-Sôgne.

C'est à partir de 1802 que, pour autant que les relations soient plus nettes puisque les ecclésiastiques sont membres de l'administration d'Etat, la vente d'églises s’accélère. L'idée étant que les 36 cantons républicains préforment les 36 paroisses du département, ce qui induit une réduction du nombre de paroisse et par-là même de bâtiments « utiles » pour célébrer la liturgie. Au début du XIXe siècle, 219 églises, 25 abbayes, 22 couvents, 4 autres communautés, 69 prieurés et 59 chapelles furent alors vendus, soit quelques 400 édifices religieux sur les 1200 existants.

2. La vie des édifices religieux depuis la loi de séparation des églises et de l'Etat

Depuis la loi de 1905 de séparation des églises et de l'Etat, mâtinée par sa version de 1907 redonnant la propriété des églises catholiques aux communes et non pas à des associations cultuelles, les quelques 760 édifices restants de l'Eure ont connu une lente transformation. Trois périodes ont bouleversé ces édifices avec la seconde Guerre Mondiale, Vatican II et la vague de patrimonialisation de la fin du XXe siècle.

Si la première Guerre Mondiale n'a pas touché le patrimoine bâti de l'Eure, il n'en a pas été de même pendant la période 1939-1945 puisque ce sont alors quelques 167 églises qui ont connu des destructions totales ou partielles. Dans la totalité des cas, les édifices ont été relevés de leurs ruines (Beaumont le Roger,..), soit à l'identique, soit en utilisant des techniques modernes comme le béton armé pour reconstituer des voûtes (Lieurey, Epaignes...) voire totalement comme l'église du Manoir.

L'impact le plus important sur les édifices est plutôt venu au cours des années 1960 de l'application du Concile Vatican II qui a modifié les manières de faire avec l'évolution de la localisation de l'autel, l'arrêt des messes en latin mais aussi par la demande d'enlever les ornements liturgiques afin de revenir à une pratique plus sobre. Il faut noter que si certains grands édifices ont connu cette vague de neutralité ornementale, les églises des communes de l'Eure ont souvent conservé leur décorum intérieur.

Cela est notamment dû à une protection relativement forte de ces édifices. Ainsi, les premiers édifices protégés au titre des monuments historiques l'ont été dès la liste de 1840 avec les églises de Saint Taurin à Evreux, de Conches-en-Ouche, du Petit et du Grand Andely aux Andelys et de Gisors. Viendront ensuite les plus grandes églises de l'Eure principalement de style gothique flamboyant et pour lesquelles les dimensions, leurs décors, leurs statuaires... les avaient déjà faits reconnaître depuis de nombreuses années comme les édifices majeurs du département de l'Eure.

Ces premiers édifices seront suivis par des protections nombreuses puisqu'à ce jour plus de 170 églises de l'Eure sont protégés au titre des monuments historiques et que 50 de plus le sont au titre des sites inscrits ou classés. Cela conduit à ce que quasiment un tiers des églises de l'Eure disposent d'une protection. Ces protections ont conduit à ce que les édifices soient suivis en terme de contrôle sanitaire et que des travaux aient été effectués, dans la grande majorité des cas, ce qui a permis de préserver le bâti.

Si l'attribution de subventions par l'Etat pour les édifices protégés au titre des monuments historiques est toujours d'actualité, il faut noter que le conseil départemental de l'Eure subventionne aussi les édifices non protégés dès lors que les travaux portent sur des questions de structures, de couverture... mais aussi sur la préservation des décors peints ou des objets. En parallèle, les aides apportées par la Fondation du Patrimoine (à hauteur de 17% du montant total des travaux sur les églises du fait de la générosité des donateurs) ou par la Sauvegarde de l'Art Français assurent un bon niveau de financement pour les travaux menées par les communes sur leurs églises. Cela a permis de préserver le patrimoine de l'Eure et seule une dizaine d'édifices sont aujourd'hui menacés. Pour la très grande majorité, le fait que l'église soit souvent l'un des principaux édifices patrimoniaux -voire le seul- des communes a conduit à un bon état général. Mais cette situation peut évoluer du fait des évolutions territoriales actuelles.

3. L'impact des nouvelles fusions de communes au 1er janvier 2016

Au 1er janvier 2016, 76 communes de l'Eure ont fusionné pour créer 18 communes nouvelles. Ces chiffres devraient encore augmenter puisque les communes ont jusqu'au 30 juin 2016 pour présenter de nouveaux projets de fusion. De manière très simplifiée, il faut retenir que ces fusions permettent aux communes nouvelles de ne pas voir baisser la dotation donnée par l'Etat dès lors que leur population se monte à plus de 1000 habitants.

Cette évolution territoriale est la première depuis celle réalisée par Bonaparte au début du XIXe siècle et elle n'est pas sans conséquence pour le devenir des églises. En effet, la réorganisation territoriale va mécaniquement conduire à ce que de nombreuses communes fusionnent et se retrouvent à la tête d'un patrimoine bâti tout à fait conséquent. Aujourd'hui, le ratio une église pour une commune n'est plus la règle pour les nouvelles communes fusionnées. Et de la même manière que certaines églises, dans les hameaux les plus éloignés, les moins peuplés ou les moins acquis à la cause chrétienne, ont été vendues il y a de cela deux siècles ; il y aura demain de nouvelles ventes d'églises ou du moins des désaffectations de leur fonction première qu'est l'exercice du culte. Il est en effet possible que des collectivités conservent les bâtiments, mais en fassent évoluer l'usage. De manière extrêmement prospective, il est possible que plus de 100 églises soient vendues dans les 10 ans qui viennent dans l'Eure.

Les seuls freins à ces ventes viendront de l'usage intensif fait d'une église avec une ouverture et des messes mensuelles, de la présence d'un cimetière en activité qui serait coûteux à déplacer, de la taille importante d'un édifice, de l'attachement d'une population à son église, d'un bon état sanitaire, d'une protection de type monument historique ou sites, car freinant les possibilités d'évolution des bâtiments. Dans le même temps, les églises très peu utilisées, de petites dimensions, sans cimetière autour, avec peu de statuaire ou de décors intérieurs, et dans un état sanitaire moyen ou dégradé peuvent être les premières vendues. Face à ce double constat, il est possible d'être gagné par une forme d'immobilisme découlant des enjeux en œuvre ou de se perdre en questionnements et en interrogations. Mais il est aussi possible d'agir en prenant les devants et en utilisant les méthodologies issues de la recherche pour rationaliser les réflexions en cours.

B. Une méthode basée sur une connaissance territoriale de proximité

La méthodologie utilisée combine une présence territoriale forte, un apport de connaissance auprès des gestionnaires de ces lieux et un guide de visite fait de trois questionnaires. En effet, l'apport théorique ne peut se passer d'un contact territorial fort fait à la fois de rencontres permettant une très bonne connaissance des différentes églises d'une commune, d'une intercommunalité voire d'un département et de relations fréquentes avec les différents acteurs qui œuvrent autour des églises. Il s'agit des élus qui ont la charge de ces lieux, mais aussi des curés qui ont une vision différente mais pas forcément opposée et des paroissiens, des membres d'association de protection du patrimoine et des responsables des pouvoirs publics.

1. Une présence territoriale forte

Comme pour tout sujet de recherche, le contact et la proximité est essentiel. Il s'agit d'un contact par l'histoire puisque les lieux, les édifices et les rites qui leur sont attachés doivent être connus car ils fondent une partie de la relation existante entre une population locale et un édifice religieux ancien. Mais aussi d'un contact par l'architecture, par les créations artistiques qui s'y trouvent et aussi par un contact avec les personnes qui y viennent ou non d'ailleurs. Cela demande une présence territoriale forte, car il est nécessaire d'aller sur le terrain, de rencontrer les élus, les associations, les curés, les membres des équipes paroissiales, les archéologues, les historiens et les architectes.

Cela est d'autant plus important dans les départements combinant un fond rural avec des familles présentes dans les communes depuis de nombreuses générations et une couche métropolitaine ayant conduit à ce que de nouveaux ménages soient venus habiter « à la campagne ». Les liens entre ces groupes sociaux et leurs rapports avec l'église du village n'est souvent pas le même sans qu'il soit possible de généraliser en affirmant que tous les néo-ruraux sont indifférents à l'église de leur nouvelle commune. Il existe des cas où, au contraire, les associations de protection du patrimoine local sont portées par des horsains qui souhaitent préserver le lieu qu'ils ont choisi.

Pour sentir ces usages, ces liens entre les gens et leurs lieux de vie ou ces pratiques et les usages qui existent encore, il faut être auprès des territoires.

2. Un apport de connaissances pour permettre à chacun de comprendre les enjeux liés aux édifices cultuels et à leur possible transformation

L'apport de l'étude du devenir des églises vendues comme biens nationaux a été fondamentale pour la méthode que nous avons élaborée pour appréhender les évolutions actuelles. En effet, il ne s'agissait pas de dire qu'un édifice cultuel ne peut souffrir d'aucune réutilisation mais bien que cela doit être fait en prenant des précautions à la fois sur le plan sociétal car l'édifice « église » porte en lui plus de deux mille ans d'histoire et de construction d'une société sur un territoire donné avec des règles de vie partagées et sur le plan local car les populations sont encore très attachées à « leur » clocher même si leur pratique les en a éloigné.

Au cours de l'année 2014, Sophie Charpentier, Gérard Lepoint et moi-même avons conduit une étude sur le devenir de ces 400 édifices. Seuls les bâtiments monofonctionnels religieux ont été pris en compte ce qui a exclu les ventes d'abbayes ou de chapelles de châteaux privés. Ce sont ainsi 168 églises en ruines ou réutilisées qui ont été recensées. Ce chiffre est tout à fait considérable, notamment parce que si la mémoire collective les rend connues par les locaux, il n'en est pas de même pour les études plus générales qui les ont le plus souvent oubliées. Une étude plus poussée a été menée sur 154 d'entre elles (car il n'a été possible d'entrer ou de visiter dans les 14 restantes). Les résultats montrent que 20% d'entre elles sont en ruines et 80%sont réutilisées. Sur ces 80%, il existe 23% de granges, 22% d'habitations, 18% d'églises désaffectées en attente de projet, 11% de lieux culturels (salles de concerts, d'expositions, musées, cinémas...), 3% de restaurants ou gîtes et 23% pour d'autres activités (salles communales, mairies, salles de sport, locaux paroissiaux, hôpital, tribunal, église évangéliste, lieux de culte privés, etc....). Par ailleurs, 21% sont restées dans le giron public. Un quart des églises recensées sont monuments historiques ce qui est cohérent sans pour autant être un critère déterminant puisque c'est un chiffre moins important que le niveau de protection départemental.

Quelques critères ont fait l'objet de recherches plus poussées. Ainsi, seuls 26% des édifices disposent encore d'un clocher et 13% d'un cimetière (dont deux sont encore actifs autour d'un gîte communal et d'une chapelle funéraire privée). Les dimensions des églises vendues sont diverses : 30% ont une surface inférieure à 110m², 30% entre 110 et 180m², 27% font entre 180 et 270m² et seulement 14% font plus de 270m². Il s'agit dans ce dernier cas des édifices souvent réutilisés par les communes en tant que salle de sport ou cinéma.

Pour les anciennes églises qui ont été réutilisées comme habitation, le bilan est contrasté entre certains propriétaires qui n'ont fait que peu de travaux intérieurs à l'édifice afin d'en préserver le cachet et qui ont, le plus souvent, rajoutés des boîtes à l'intérieur ou à l'extérieur au niveau de l'entrée pour disposer d'espaces de nuit et de restauration et d'autres propriétaires qui considèrent ces bâtiments comme ils le feraient d'anciens moulins ou d'anciennes granges. Pour ces derniers, les transformations peuvent être très importantes et conduire à ce que les traces des usages anciens ne soient plus lisibles, avec la pose de placoplâtre contre les murs intérieurs pour assurer l'isolation, la pose de planchers, l'agrandissement des baies pour faire rentrer plus de lumière... Ces transformations conduisent une perte en terme de valeur patrimoniale définitive.

L'intérêt de cette étude concernant le devenir des 400 édifices vendus comme biens nationaux a été de mettre en évidence que les églises avaient déjà connu une période de transformations telle que nous le connaissons aujourd'hui. L'exposé des faits historiques qui se sont déjà déroulés dans l'Eure permet d'enlever le côté affectif lié à l'objet « église » sans pour autant en faire un édifice banal ou sans connotation sociétale forte.

Cette recherche, tout comme de nombreux autres sujets de connaissance sur le patrimoine des églises de l'Eure, a été valorisée dans le cadre d'un ouvrage collectif « Les églises de l'Eure à l'épreuve du temps » qui a été diffusé gratuitement à toutes les communes de l'Eure. En effet, il semble particulièrement important de ne pas se lancer dans des réflexions ou des discussions sur l'avenir des églises sans qu'un cadre de connaissances ait pu être défini et partagé. Cet ouvrage a permis de poser un premier jalon quant à une connaissance territoriale de qualité, faisant le point sur les différentes périodes et styles de l'Eure en mettant en exergue les caractéristiques propres des églises qui ont fondé son identité actuelle, de comprendre et d'identifier les usages actuels de ces édifices et les valeurs qu'ils portent et plus largement de s'interroger sur leur devenir dans notre société contemporaine.

3. Trois questionnaires pour mieux appréhender le potentiel de réutilisation

L'utilisation de questionnaires portant sur l'état sanitaire des églises et la hiérarchisation des différentes églises d'une même commune permet de « dépassionner » le débat sur l'objet-église et surtout de ne pas traiter les églises de manière isolée. Il ne s'agit pas non plus d'enlever le sens et l'histoire portés par un tel édifice mais d'estimer la valeur patrimoniale des édifices, ses coûts d'entretien au regard de ses qualités historique, architecturale, patrimoniale... et ses possibilités d'évolution.

Le questionnaire principal porte sur l'évaluation de l'ensemble des églises appartenant à une même commune (ou à une même intercommunalité). Il s'agit d'utiliser des critères objectifs, même si certains d'entre eux portent sur des questions de valeur patrimoniale ou architecturale, afin de ne pas tomber dans un travers qui serait de ne voir les églises que par les eux de ceux qui les pratiquent ou qui les voient au quotidien. Ce travail de mise à distance de l'objet « église » permet de ne pas être influencés par les « histoires » locales liées à ces lieux. L'objectif est d'accompagner les communes nouvelles dans leur nouveau paysage immobilier, notamment car il est possible que certaines d'entre elles choisissent de faire évoluer la destination de ces édifices. Pour l'instant, les premiers contacts font apparaître que la valeur architecturale et/ou patrimoniale et/ou liturgique ne sont pas prises en compte au contraire de la présence de cimetière ou du coût des travaux. Il faut donc relister les principaux critères qui rentrent en ligne de compte, à savoir : état sanitaire, coût de restauration, fréquence de l'usage, potentiel de réutilisation, présence d'un cimetière, localisation, niveau de protection (monument historique...), valeur historique, valeur architecturale (modèle d'un style, référence locale...), objets mobiliers (fixes, mobiles, lieu de dévotion...).

Il est ainsi possible de noter de 1 à 5 tous ces critères, 1 : faible intérêt ou fort investissement à faire jusqu'à 5 : fort intérêt ou peu de coût à investir. La somme des critères met en évidence les églises qui ont le plus grand potentiel patrimoine (avec le total le plus haut) et celles qui peuvent évoluer (avec le total le plus bas). Cela ne veut pas dire pour autant que ces analyses conduisent à des conclusions immédiates mais elles soient des aides à la décision et elles évitent le caractère subjectif d'une analyse faite sans critères. Chaque désaffectation ou vente d'église ne doit pas devenir le terrain d'un combat idéologique qui viendrait tenter de réécrire l'histoire de nos territoires. Car une désaffectation ou une vente ne doit pas être appréhendée comme la volonté de faire disparaître cette histoire mêlée. Une désaffectation est plutôt un constat, une évolution dans l'histoire qui conduit à ce qu'un bâtiment, qui ne remplit plus son rôle, soit amené à évoluer. Il ne faut pas que, collectivement, nous restions dans l'interrogation et dans le doute à chaque fois qu'une collectivité souhaite faire évoluer son patrimoine.

Ce premier questionnaire est accompagné par un questionnaire de l'état sanitaire des édifices considérés. Ce bilan sanitaire rend compte des problèmes de l'édifice en terme de stabilité, de couvert, d'humidité, d'altération des décors, de sécurité et d'accessibilité. Il permet également de pouvoir estimer le coût de la restauration des édifices. Cette question peut être importante notamment pour les édifices construits au XIXe siècle et qui combine parfois un faible intérêt architectural et des pathologies lourdes dues à leur mode constructif (mélange structure en métal et paroi en briques).

Cette analyse a été menée sur quelques communes tests afin de vérifier la validité de cette méthode de travail. L'importance est de ne pas regarder un édifice seul mais bien de le prendre dans une globalité plus large, celle de la commune nouvelle, voire, au fur et à mesure, celle de l'ensemble des communes d'une intercommunalité.

C. Les premiers résultats

Les premiers résultats montrent qu'il faut bien se garder d'une vision subjective concernant l'objet-église. Ainsi, ce grand travail d'inventaire du patrimoine portant sur les édifices religieux du département de l'Eure met en évidence que les églises pouvant être transformées sans perte sociétale ne sont souvent pas celles que l'on croit. En effet, ce n'est pas parce que certaines églises sont de dimensions modestes, éloignées des centres urbains, sans cimetière autour ou qu'elles n'accueillent que peu de cérémonies que leur réutilisation ou leur vente doivent être immédiatement actées.

1. Une adhésion des différents acteurs à la méthode

La question de la réutilisation des églises ne doit pas être appréhendée comme une incitation à la transformation ou une obligation à faire. Il s'agit uniquement de réfléchir à ce qui est en jeu et en cours dans le département de l'Eure, voire plus globalement au niveau français. Pour cela, l'adhésion de l'ensemble des acteurs œuvrant autour des édifices cultuels est nécessaire. Cela comprend le secteur ecclésiastique (évêque, curés, paroisses), le secteur politique (élus, services techniques,..) et le secteur patrimonial (services de l'Etat, services des collectivités, historiens, archéologues, associations de protection).

La parution de l'ouvrage « Les églises de l'Eure à l'épreuve du temps », ainsi que les visites de terrain et les multiples rencontres avec les différents acteurs ont permis d'objectiver la question du devenir des églises de l'Eure en la distinguant des questions plus larges portant sur le devenir des églises en général et les liens entre la société française et son appartenance religieuse. Ce distinguo était important à réaliser car, trop souvent maintenant, certains faits isolés deviennent des généralités par leur diffusion sur internet ou par d'autres médias. Ainsi, la démolition d'une église dans un contexte local donné devient une alerte nationale quant à la démolition potentielle de l'ensemble des églises. Ce type de généralismes devient une règle contre laquelle il faut apporter des faits et des précisions. Dans l'Eure, les églises sont dans un bon état sanitaire et il n'est pas question à court terme d'en démolir.

Cette approche, et la démarche d'analyse du patrimoine en terme d'églises par communes nouvelles, a bien été appréhendée par tous les décideurs locaux et a reçu une réponse favorable. Nous avons pu déjà expertiser deux communes nouvelles : Vexin-sur-Epte (qui regroupe 14 communes pour 15 églises), Marbois (4 communes pour 4 églises). Flancourt-Crescy-en-Roumois (qui regroupe 3 communes pour 4 églises) et Mesnil-en-Ouche (22 églises pour 16 communes) ont également fait la demande d'une expertise. Nous sommes également en contact avec 7 autres communes nouvelles représentant quelques 22 églises.

2. Les interrogations les plus fréquentes

Plusieurs questions ont émergé durant les analyses notamment sur les questions de préservation des décors et de devenir des objets mobiliers. Aujourd'hui dans l'Eure, les églises sont dans leur grande majorité très bien dotées en objets mobiliers. Et même si les fidèles sont peu nombreux, les édifices ne sont pas des coquilles vides qu'il serait possible de réutiliser si facilement.

Que faire en effet de la statue du saint local à qui une dévotion particulière est encore faite ? Car il existe des dévotions toujours vivaces qui conduisent des personnes de la France entière à venir se recueillir près d'une statue en particulier afin de faire un vœu. Le déplacement, voire la disparition, de cette statue est difficilement envisageable. Il en est de même pour un vitrail ou pour un autel majeur de plus de 5 mètres de haut et qui ne trouverait pas de place dans un autre édifice, puisque chaque édifice dispose déjà de son propre mobilier. La question des décors peints (litres funéraires, blasons, peintures médiévales ou romanes...) est également un sujet central car, si ces décors ne sont pas protégés au titre des monuments historiques ou des objets mobiliers, il serait envisageable qu'un nouveau propriétaire puisse les recouvrir par une peinture moderne.

Le travail de réflexion dans chaque commune nouvelle conduit à ce que les gestionnaires prennent plus encore conscience du patrimoine dont ils ont la charge mais également à ce qu'ils envisagent des transformations d'usage de ces lieux pour en faire des lieux publics avec un sens culturel et patrimoine affiché plutôt qu'ils n'envisagent de les vendre au plus offrant.

3. De la nécessité de nouvelles protections

C'est notamment pour ces questions de préservation de décors, d'objets mobiliers voire de styles architecturaux non encore protégés tels les édifices du premier âge roman (950-1050) étudiés par Nicolas Wasylyszyn que la question de nouvelles protections au titre des monuments historiques va se poser. Si la protection n'empêche pas la vente, elle permet néanmoins de préserver le patrimoine. C'est le cas par exemple pour la chapelle Saint Joseph à Evreux où l'architecte Patrice Vinot qui a réalisé les travaux a dû composer avec les questions patrimoniales notamment de restauration de quelques mètres carrés de décors peints à l'intérieur mais aussi de lisibilité de l'édifice.

Les visites ont également permis de relever des merveilles encore peu connues ou du moins pas assez mises en valeur jusqu'à présent, je citerai notamment les décors peints de Panilleuse et Fontenay à Vexin sur Epte.

La nécessité de réaliser, sans aucun doute pour la première fois, un inventaire exhaustif du patrimoine liturgique (bâti et mobilier) s'est fait jour et conduit en parallèle à cette expertise du patrimoine communal, à lancer des travaux d'inventaire plus précis à l'échelle départementale, et au final nationale.

 

L'innovation de cette recherche, qui vise à hiérarchiser le potentiel de réutilisation des édifices religieux appartenant aux communes nouvelles, vient très certainement du fait que « l’objet-église » n’est pas appréhendé uniquement sous un angle religieux, architectural ou sociétal. Cette pluralité des regards permet d’objectiver le devenir des églises de l’Eure, de rassurer les populations car elles ont connaissance de la démarche en cours et peuvent ainsi mettre à distance les informations qui viennent d’autres territoires relayées par les médias et internet pour provoquer des émotions et de garantir que ce qui a vocation à évoluer puisse le faire sans mettre en péril les relations entre des territoires et les populations qui y habitent.

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