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Mes publications

Ouvrages

POULAIN, F. (sous la dir), Les églises de l'Eure à l'épreuve du temps, Editions des Etoiles du Patrimoine, 2015, 240p.

DE MEYERE, A., POULAIN, F, La reconstruction dans l'Oise, Éditions de la direction départementale des Territoires de l'Oise, décembre 2010, 350p.

POULAIN, F, Les Ateliers d'urbanisme Associatifs, Éditions de la direction départementale des Territoires de l'Oise, juillet 2010, 229p.

DE MEYERE, A., POULAIN, F.Le Millefeuille de l'Oise, Éditions de la direction départementale des Territoires de l'Oise, octobre 2010, 160p.

DE MEYERE, A., POULAIN, F,Manuel des Territoires de l'Oise, ou comment territorialiser le Grenelle de l'Environnement, Éditions de la direction départementale de l'Equipement et de l'Agriculture de l'Oise, janvier 2010, 500p.

POULAIN, F, Le camping aujourd'hui en France, entre loisir et précarité, Éditions de la direction départementale de l'Equipement et de l'Agriculture de l'Oise, septembre 2009, 172p.

POULAIN, F., POULAIN, E.,  L'Esprit du camping, Cheminements, 2005 , Éditions Cheminements, octobre 2005, 312p.

POULAIN, F.,  Le guide du camping-caravaning sur parcelles privées, Cheminements, 2005 (disponible sur le site de cheminements), Éditions Cheminements, juin 2005, 128p.

COSSET, F., POULAIN, F., Ma cabane en Normandie, CRéCET, 2002 , Chalets, petites maisons et mobile homes du bord de mer, Coll. Les carnets d’ici, Centre Régional de Culture Ethnologique et Technique de Basse Normandie, 2002, 64p. ISBN 2-9508601-7-6 (br.)

 

Ouvrages collectifs

BOISSONADE, J., GUEVEL, S. POULAIN, F. (sous la dir.),Ville visible, ville invisible, Éditions l'Harmattan, 2009, 185p.

DE MEYERE, A. (sous la dir.), 2009, l'aménagement durable des territoires de l'Oise,Éditions de la direction départementale de l'Equipement et de l'Agriculture de l'Oise, 2009, 184p.

DE MEYERE, A. (sous la dir.), L'Oise, territoire 2008, Éditions de la direction départementale de l'Equipement de l'Oise, 2008, 127p.

 

Articles parus dans Bulletin des Amis des Monuments et Sites de l'Eure (2012-2014),Rapport sur le mal logement – Fondation Abbé Pierre(2008-2014),Études Foncières(2000-2009),Le Moniteur (2005),Espaces, Tourisme et Loisirs(2005- ),Les Cahiers de la RechercheArchitecturale et Urbaine (2004),Territoires(2004),Le Caravanier, camping-caravaning(2004),Cahiers Espaces (2001-2003),Labyrinthe (2001),Urbanisme(2000) + nombreux articles dans des revues grand public (Libération,Le Monde,Le Point,Le Moniteur,Ouest-France...)

 

Actes de colloques parus dans Changement climatique et prévention des risques sur le littoral, MEDAD (2007) « Camper au XXIesiècle, ou le paradoxe du mouvement arrêté » (2007)Identités en errance.Multi-identité, territoire impermanent et être social, BOUDREAULT, P-W, JEFFREY, D., (sous la dir.),Petites machines à habiter, Catalogue de l’exposition du concours « Home sweet mobile home ou l’habitat léger de loisirs », Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et d’Environnement de la Sarthe, (2004),« Le camping-caravaning sur parcelles privées, étude des effets réels d’une réduction des droits d’usage attachés au droit de propriété ».Droits de propriété, économie et environnement : le littoral, IVème conférence internationale(2004), FALQUE, M. et LAMOTTE, H., (sous la dir.).

4 janvier 2012 3 04 /01 /janvier /2012 20:15

 

113La caravane est un signe révélateur de l’implantation d’artistes plus ou moins mobiles dans des lieux réputés inhabitables. Les rassemblements de caravanes d'artistes ne sont pas imaginables dans les terrains de camping classiques, ni sur les aires réservées pour les gens du voyage. De fait, les possesseurs de caravanes dans le monde artistique recherchent des lieux accessibles et non occupés par une autre communauté. Les caravaniers-artistes sont inévitablement entraînés vers les espaces en friche dans les grandes métropoles, comme Bruxelles, Nantes ou Marseille.

La présence d’artistes pour se loger, répéter ou se produire devant un public conduit à faire renaître des lieux porteurs d'une mémoire collective comme les friches industrielles et à les re-révéler aux yeux des urbanistes et des pouvoirs publics. Ils ne sont plus des lieux d’échecs mais des lieux de création, de divertissements et de fête. Ainsi, les sites industriels sont aujourd’hui parfois investis par des artistes qui recherchent des lieux accessibles et chargés d’histoire.

Certains artistes itinérants ne souhaitent pas s’installer dans les périphéries dégradées des grandes métropoles et préfèrent les sites industriels abandonnés à proximité des centres urbains. Cette localisation est rendue possible par l’utilisation de la caravane qui permet aux artistes de réinvestir les lieux d’une autre manière que celle qui existait auparavant. Les caravanes offrent la possibilité de séjourner dans des lieux qui ont été utilisés mais jamais habités.

 

Les caravanes sont utilisées comme des lieux d’habitations par les gens du cirque, des artistes de rue itinérants, des intermittents du spectacle ou des acteurs. Ces différentes catégories d’artistes n’utilisent pas de la même manière leur habitat mobile puisque les surfaces habitables, les durées d’occupation et les périodes de semi-sédentarité varient selon le métier exercé. Ainsi, les gens du cirque ont effectué un choix de vie quasi-définitif, à moins de sédentariser leur chapiteau. Le mode de vie itinérant qu’ils ont choisi les a conduit à considérer la caravane comme leur habitat normal.

Les artistes qui utilisent une caravane sont conscients qu’il s’agit d’un habitat peu onéreux qui permet de s’implanter sur n’importe quel territoire. Ainsi, ils peuvent se localiser là où ils le souhaitent sans avoir à s’interroger sur la proximité d’un hôtel et des difficultés liées à « l’abandon » du matériel dans un site. La caravane permet de se trouver à côté des installations scéniques et de prévenir les vols ou les dégradations. Par ailleurs, la caravane est l’habitat le plus mobile et peut s’adapter aux configurations très nomades des artistes itinérants. Pour les intermittents du spectacle qui ne tournent que quelques mois dans l’année, cela leur permet d’avoir un logement moins coûteux qu’une chambre d’hôtel et moins encombrant qu’une location classique. L’élément le plus important dans le choix d’une caravane comme lieu d’habitation est qu’elle permet de se regrouper en communauté. Il n’est pas question de s’isoler dans une chambre d’hôtel mais de retrouver en gens du même monde. Le rassemblement procure une certaine forme de sécurité et permet de créer un mode de vie spécifique.

 

 

Les caravanes sont alors des signes artistiques dans la ville. Les artistes effectuent des transformations de l’aspect extérieur de leur caravane afin de la rendre unique. Il s’agit de l’individualiser et de la montrer au public comme appartenant à des artistes. Ce n’est ni une caravane de loisir, ni une caravane de gens du voyage. La distinction est importante et les artistes sont nombreux à s’approprier leur caravane par un simple trait de couleur ou d’un dessin. Les caravanes deviennent les supports de leur créativité et le langage qui y est inscrit est celui de leur appartenance artistique. La transformation des caravanes participe à l’appropriation par les artistes d’un mode d’habitat et aussi d’un mode de vie. Par l’application de codes et de signes, les artistes s’affichent comme « en dehors » des normes habituelles. Néanmoins, la caravane demeure avant tout un habitat, ce qui limite les transformations possibles.

Ces transformations sont peu importantes, car les caravanes doivent conserver leur fonction utilitaire, et il ne faut pas que les modifications empêchent la caravane de se déplacer. Il n’est donc pas question de rajouter des auvents ou des décorations permanentes qui feraient saillie sur l’extérieur. De plus, les peintures doivent être résistantes puisque les caravanes doivent continuer à avoir un usage normal, quelles que soient les conditions météorologiques. Mais ces modifications extérieures sont signifiantes, car elles créent un signe d’appartenance à un groupe social identifié. Ces caravaniers sont des artistes nomades. Les modifications effectuées sur les caravanes par les artistes ont une influence sur les lieux qui accueillent ces caravanes.

Les évolutions se multiplient au fur et à mesure du vieillissement de la caravane et des périodes de sédentarisation. Les modifications augmentent jusqu’à transformer la caravane comme un élément d’une sculpture plus importante. Les artistes modifient un espace plus important qui a une surface de 10 à 20 m². Sur cette surface, les habitants des caravanes plantent des objets hétéroclites pour accompagner la caravane et des espaces de vie sont aménagés. Les tables pour manger et les fauteuils participent d’ailleurs à la composition d’ensemble. Parfois, les artistes implantent des morceaux de structure qu’ils ont récupérés après des spectacles ou suite à des essais infructueux lors de la mise en œuvre des spectacles. Ces différentes modifications sont plus ou moins imposantes selon la mobilité des caravanes.

La création d’une ambiance artistique différencie ces lieux des espaces de bidonvilles. La mise en art des caravanes les différencie en particulier de celles des gens du voyage et les rend plus acceptables pour les populations proches ou pour les pouvoirs publics. Il serait illusoire de considérer que les caravanes en se localisant principalement dans des espaces en friche échappent à tout contrôle social et politique. Leur arrivée est connue.

 

 

L'utilisation des friches par les artistes est un signe annonciateur d'évolutions en cours. La plupart des lieux industriels en friche a une image négative pour les habitants. En effet, ces lieux représentent la fin des trente glorieuses et le transfert d’une grande part du secteur industriel vers d’autres pays dans le monde. Cette transformation de la société s’est accompagnée de grandes vagues de licenciement et de la désertion des sites industriels. Ceux-ci sont demeurés en place car leur coût de démontage et du réaménagement était trop important. Les nouveaux sites de production se sont localisés à la périphérie des villes et les terrains sont abandonnés. Ces lieux sont pour la plupart situés dans la première couronne de banlieue des grandes villes apparue à la fin du 19ème siècle et donc relativement proches du centre historique.

Leur présence actuelle vient de leurs dimensions extraordinaires. En effet, peu de promoteurs isolés veulent acquérir ces sites pour les remettre dans le marché urbain. Les collectivités les acquièrent parfois au franc symbolique et ne savent qu’en faire. De plus, les expériences mitigées effectuées dans les villes nouvelles rendent les pouvoirs publics très sceptiques quant à leur capacité à faire surgir des quartiers entiers d'un coup.

Dans le même temps, les artistes sont de plus en plus nombreux à sortir de la pratique de l’atelier, de l’exposition et du musée pour se rendre dans l’espace public. Les productions des arts de la rue entraînent la nécessité de trouver des lieux suffisamment grands pour accueillir une ou plusieurs compagnies d’artistes en répétition. Les lieux officiels ou privés étant peu nombreux, les artistes « s'approprient » les espaces industriels en friche. Cette adaptabilité aux travaux artistiques est renforcée par la présence des caravanes qui permettent de rendre le site habitable. La présence des caravanes se révèle indispensable car il n’existe pas de locaux habitables. Les artistes se trouvent contraints d’installer des caravanes dans les niches des garages ou des hangars de stockage afin de se constituer des cellules de vie. Cela permet d’implanter des cellules d’habitat suffisamment confortables pour dormir, déjeuner et passer les mois d’hiver avec du chauffage. Certaines caravanes sont également là en attente d’un prochain spectacle et quelques artistes les utilisent pour se rendre dans des festivals ou sur des manifestations.

Ces occupations sont tolérées par les pouvoirs publics car cela permet de régler pendant une certaine période la question des ateliers d’artistes et des lieux de production. La tolérance dont font preuve les pouvoirs publics indique que la présence des artistes dans les lieux de friche est une opportunité pour faire évoluer ces sites. Il s’agit en particulier de modifier l’image négative de ces sites pour en faire des sites réussis de projet urbain. Or, le choix des friches industrielles permet aux pouvoirs publics de s’apercevoir que ces lieux sont porteurs d’une mémoire très forte et surtout que de nouvelles activités -très éloignées de la production industrielle- peuvent s’y implanter.

Dans le cadre des projets urbains, les analyses effectuées par les architectes et les urbanistes des différents sites favorables au développement d’un projet de renouvellement urbain se basent sur ce qui était, est et sera présent sur le site. Ainsi, les sites occupés par des artistes présentent l’avantage d’avoir été remis positivement dans la mémoire collective de la cité. Les lieux sont transformés par la présence des artistes même si les caravanes demeurent mobiles et si aucune modification d’envergure n’est effectuée. La présence des artistes, puis la production de manifestations et enfin la présentation au public conduisent à renouveler les lieux. De plus, les artistes empêchent le pillage des sites. La caravane semble constituer un révélateur ou une étape dans le long processus de renouvellement urbain.

Les transformations opérées par la présence des artistes, leurs habitats et leurs créations conduisent les urbanistes à estimer que les lieux peuvent être réutilisés, car les artistes ont su apporter la plus-value nécessaire à la remise dans le marché immobilier de la ville.

La présence de la caravane enseigne aux urbanistes qu’il est possible d’investir des lieux sans qu’aucun aménagement visant à leur habitabilité soit entrepris. Les caravanes vont et viennent au fur à mesure des besoins des artistes et des contingences extérieures. Ainsi, les artistes sont très réactifs et peuvent s’adapter aux bâtiments et aux évolutions du système de tolérance mis en place avec les pouvoirs publics. Les urbanistes sont nombreux à alors imaginer des formes de software par le biais de boîtes qui viennent s’implanter dans le hardware constitué par la superstructure des bâtiments. Ce mode de conception architecturale présente l’avantage de ne pas avoir à effectuer des travaux trop importants de modification des anciennes structures -à part les remises à niveau obligatoires- et de pouvoir adapter chaque boîte aux usages à venir. Cette adaptabilité montre aux aménageurs qu’il n’est pas nécessaire de faire table rase du passé pour faire émerger des projets urbains. Au contraire, la force identitaire de chaque lieu se lit dans la superposition des époques et des usages et non de leur négation. Les lieux et les bâtiments qui les composent peuvent être adaptés pour de nouveaux usages.

 

 

Pour autant, le projet urbain rigidifie l’espace et n’accepte plus vraiment la caravane dans son caractère d’habitat mobile. Après sa mise en œuvre, seuls les projets artistiques à valeur touristique demeurent.

Il est inexact de penser que « tout est possible » après la mise en œuvre d’un projet urbain car la rigidification des fonctions, des espaces et du sol ne permettent plus toutes les occupations. Les occupations ponctuelles doivent elles-aussi être planifiées, mais elles pourront être facilement acceptées car elles participent à l’animation culturelle de la ville. Les pouvoirs publics peuvent accepter des occupations temporaires de certains espaces pour la préparation des spectacles, comme le cirque, à condition que ces lieux aient été également programmés lors de la réalisation du projet de renouvellement urbain.

Le projet urbain conduit à la fin de la tolérance pour les activités non valorisables touristiquement. La mise en œuvre d’un processus de renouvellement urbain conduit les espaces de friches industrielles accueillant des activités artistiques nécessitant la présence de caravanes à subir plusieurs types de transformations. Ainsi, les usages évoluent pour répondre aux attentes de la société actuelle, l’espace public est modifié et peut être durci par l’utilisation de matériaux de type pierre ou enrobé. Par ailleurs, les sites sont contrôlés par des sociétés de surveillance. Ces mesures empêchent les implantations illégales de caravanes ou d’autres modes d’hébergement. Les artistes ne peuvent plus venir à leur gré investir les lieux et il leur est nécessaire d’obtenir des autorisations pour venir sur le site. Par ailleurs, les pouvoirs publics ne peuvent plus permettre des activités au sein des bâtiments avant que ceux-ci aient été sécurisés. L’ensemble de ces transformations vient en particulier d’une reprise en main du site par les pouvoirs publics. Ils recontrôlent l’espace, les activités qui peuvent s’y dérouler et en reprennent la responsabilité.

La fin de la tolérance n’est pas une obligation mais plutôt une évidence concernant la fin d’un système. Le projet de renouvellement urbain modifie l’existant. Le choix politique qui est fait est que les artistes ne pourront demeurer en l’état sur le site, voire ne plus pouvoir y accéder. Cela entraîne le fait que l’art peut parfois demeurer sur le site mais que les artistes peuvent ne plus être les mêmes. La fin de la tolérance conduit au départ des artistes et de leur habitat ou à leur institutionnalisation sur d’autres sites. Ainsi, les activités artistiques qui avaient entraîné la revalorisation du site sont remplacées par d’autres plus attractives et à l’intérêt touristique plus développé.

Cette tolérance temporaire des installations explique notamment pourquoi les artistes choisissent d’investir dans une caravane plutôt que dans un aménagement plus durable. Néanmoins, lorsque le système de tolérance est en place, les artistes sont nombreux à espérer pouvoir demeurer aussi longtemps que possible. Après quelques années d’installation, certains estiment d’ailleurs posséder des droits acquis.

En fait, les pouvoirs publics acceptent de nouvelles formes de caravanes, lorsque celles-ci se trouvent situées au sein d’une offre plus globale, comme celle de l’art public. La caravane revient alors sur l’espace public sous la forme d’un objet inhabité et inanimé. Le projet urbain en repoussant les caravanes habitées vers les périphéries urbaines conduit à ne plus retrouver dans les zones urbaines réaménagées que des ersatz de caravanes. Ces évocations de caravanes peuvent être le fait d’artistes -peintres, vidéastes,..- qui peignent, sculptent ou retravaillent les caravanes à l’échelle 1 en exprimant leur vision de la société. La caravane n’est plus utilisée que comme une évocation de la société contemporaine et de ce fait est banalisée en tant qu’objet ayant fait l’objet d’une intervention artistique. La caravane devient l’expression d’un monde urbain qui s’interroge sur lui-même.

La caravane comme œuvre d’art itinérante a une place de plus en plus importante dans l’espace public des métropoles européennes. Il ne s’agit pas d’œuvre définitive qui sont implantées dans le sol mais plutôt d’œuvres mobiles qui cherchent à interroger le passant sur l’habitat, la mobilité et par la même sur la manière dont nous habitons la ville contemporaine.

La caravane comme œuvre d’art n’a plus de fonction réelle d’habitat puisqu’elle est chargée de sublimer et d’interroger cette fonction.

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