Au début des années 1910, les premiers camping-cars en France sont le fait de constructeurs indépendants qui désirent pouvoir partir sur les routes pendant leurs week-ends ou leurs vacances, s'arrêter là où ils le souhaitent et bénéficier d'un confort un peu plus important que le simple matériel de camping disponible à cette époque.
En 1920, les premiers inventeurs de l'auto-caravane font subir des modifications à leur voiture pour qu'elle devienne au gré des arrêts une cantine améliorée souvent par des évolutions apportées à la partie « coffre » du véhicule. Certains continuent à utiliser la tente qu'ils déploient à proximité de leur voiture mais, pour d'autres, le confort va jusqu'à transformer l'intérieur de la voiture et à ajouter autant d'éléments supplémentaires deci, delà pour emporter de plus en plus d'objets.
Cette recherche permanente d'améliorations va conduire certains inventeurs à ne conserver de la voiture ou du camion que le châssis, le moteur et une partie de la caisse. Pour le reste, tout est modifié avant de devenir une véritable maison sur roues. Les modèles sont généralement uniques et certains parcourent les routes de France, comme ceux de Charles Louvet qui montre son modèle « Carling-home » de plusieurs tonnes aux vacanciers pour qu'ils lui en commandent d'autres. Chaque modèle coûte quasiment le prix d'une maison de l'époque.
Tous les premiers camping-caristes ne restent pas uniquement sur les routes de France car ils peuvent, grâce à leur véhicule amélioré, aller découvrir les pays qu'ils souhaitent, notamment parce qu'ils n'ont plus à se soucier de l'état de propreté, de salubrité ou tout simplement de l'existence d'hôtels et de restaurants.
Cela a pour effet d'ouvrir les frontières à une période où les campeurs sont regardés d'un oeil le plus souvent bienveillant et très surpris par les populations locales qu'ils rencontrent. Les camping-caristes partent en rêvant d'ailleurs alors vers l'Asie ou l'Afrique. Ces couples ou familles sont relativement rares mais, comme encore aujourd'hui, narrent leurs aventures dans des romans ou des récits afin de faire connaître ce qu'ils ont vécu. Il est notable que cette facilité de réaliser de grands trajets n'existe plus que difficilement aujourd'hui. Par exemple, la traversée de l'Afrique en solitaire n'est guère envisageable du fait des problèmes de guérillas locales.
Cette première utilisation d'engins peu préfabriqués dure relativement longtemps puisqu'il faut attendre les années 1970 pour voir émerger des constructeurs professionnels capables de proposer aux ménages français des gammes élargies. Mais ce n'est pas pour autant que la déferlante du camping-car apparaît. Certes, la demande et l'offre existent, mais concernent les couples qui font le choix de n'avoir qu'un camping-car comme moyen de mobilité -donc plutôt réservé à ceux qui partent plusieurs années dans des périples lointains- ou ceux qui disposent de suffisamment de moyens financiers pour acheter une voiture et un camping-car. Ces deux catégories ne suffisent pas à générer un développement massif et à faire baisser le coût des modèles.
La mobilité avec confort a un coût important et est réellement à séparer de la mobilité des campeurs qui partent uniquement avec un vélo et leur tente sur le porte-bagage.
à partir des années 1980, le camping-car commence sa lente démocratisation, notamment grâce à la possibilité offerte à un certain nombre de vacanciers de louer des camping-cars pour des séjours plutôt que d'avoir à les acheter. Ceux-ci deviennent alors une figure de plus en plus familière sur les routes de France et la familiarité engendrant la banalisation, les français désireux de vacances singulières et différentes se tournent vers cette forme de camping.
à cette époque, faire du camping-car n'est pas encore forcément très écologique puisqu'il est nécessaire de vidanger les eaux de vaisselle et de douche sur le bas-côté des routes en tirant une languette située sur le flanc du véhicule tout en se reculant rapidement et de vider la « cassette » des WC généralement, et lorsque cela est possible, dans d'autres toilettes. C'est d'autant plus vrai dans les pays moins modernes que la France, où il est rare de trouver des installations faites pour les véhicules de loisirs.
De plus, rares sont les camping-caristes qui se rendent le soir dans les terrains de camping pour y séjourner car cela a pour effet d'augmenter le coût de vacances pour lesquelles l'investissement initial est déjà fort important. Dès lors, c'est la nature qui reçoit alors généreusement tout les déchets produits par les camping-caristes. Et le nombre de camping-cars sur les routes et au bord des routes augmente, ce qui a pour effet d'accroître la pollution résiduelle.
La colonisation des espaces les plus recherchés devient alors une réalité. C'est à ce moment qu'un basculement se produit concernant ce que peut représenter le camping-car dans l'imaginaire collectif. D'un habitat réservé aux plus aventureux d'entre nous et donc relativement peu nombreux et qui faisaient l'objet d'une certaine admiration, le camping-car devient un moyen de s'approprier pour une période plus ou moins longue des espaces, des vues ou des paysages a priori destinés au plus grand nombre. Cette possibilité de s'approprier un espace va trouver une résonance chez beaucoup qui vont y voir la possibilité d'accéder à une certaine forme de « luxe ».
Mais peut-on s'approprier réellement tous les espaces ? Il est plutôt exact de dire que les camping-cars s'approprient les espaces dégagés, planes, accessibles et surtout avec des vues intéressantes. En effet, il est vital pour un conducteur de savoir qu'il va pouvoir entrer dans un parking sans froisser son aile sur une borne, sortir de ce même parking sans difficulté et surtout qu'il va pouvoir manger ou dormir sans que l'eau sorte du verre ou que durant la nuit la pente entraîne les dormeurs tous du même côté.
D'autant plus que l'évolutivité des modèles conduit à ce qu'ils soient de plus en plus confortables et que, par-là même, les camping-caristes sont de moins en moins habitués à subir les petits désagréments d'un vrai retour à une vie dans la nature.
Et les grands modèles de camping-cars participent au développement du « concept du mouton ». Car le camping-cariste qui en voit un déjà installé se dit que le terrain est acceptable pour lui aussi. S'il y en a deux, un troisième s'installe en confiance et ainsi de suite jusqu'à voir plusieurs dizaines de camping-cars stationnés le long d'une route bordant la mer ou sur un parking dans un petit port bien sympathique.
Les modèles deviennent progressivement de plus en plus impressionnants, répondant en cela à la demande des camping-caristes qui sont aujourd'hui classées en deux grandes catégories. La première est celle des couples de 40 ans environ avec deux enfants qui, ayant déjà accédé au rêve de la maison individuelle, se reportent sur celui du camping-car et la seconde est celle, beaucoup plus importante et lucrative, des retraités. Les modèles que choisissent ces derniers comportent tout le confort moderne avec télévision, four à micro-ondes, climatisation, douche... mais également pour les modèles les plus conséquents, petite remorque à l'arrière ou dans certains cas, grand coffre permettant de loger au choix scooter, voiturette électrique... Leurs dimensions commencent même parfois à ne plus être tout à fait adaptées aux routes françaises mais plutôt aux routes américaines.
Ainsi, avec une dizaine d'années de décalage, la France rattrape le phénomène américain des white birds ou « oiseaux blancs » tant pour leurs cheveux blancs que pour leur migration du nord vers le sud pour la saison hivernale.
Mais à la différence des États-Unis où les white birds se regroupent dans de véritables villes de camping-cars où il est possible de stationner sans difficulté, notamment parce que, différence notoire avec la France, certains espaces du désert américain ne sont pas soumis aux mêmes règles de propriété que l'ensemble du territoire français où chaque parcelle appartient forcément à quelqu'un, les camping-caristes stationnent forcément sur des parcelles pour lesquelles l'accord du propriétaire est nécessaire.
Puis les années 2000 sont là et la déferlante arrive. Les chiffres de progression sont impressionnants, puisqu'il se vend depuis cette époque plus de 20.000 modèles par an, ce qui amène aujourd'hui plus de 300.000 véhicules en circulation.
Les quelques camping-cars qui avaient été tolérés le long des côtes ou à proximité des sites touristiques commencent alors à se chiffrer en centaines. Les alignements de camping-cars forment des « barrières » visuelles très importantes dans des sites d'exception où il est préférable que la meilleure vue soit réservée au plus grand nombre, donc aux piétons. La tolérance cesse et les mesures de police et de restriction apparaissent. Les municipalités renforcent les interdictions de stationnement dans certains secteurs très touristiques et posent des barres de hauteur à l'entrée de nombreux parkings.
Néanmoins, l'offre alternative pour le stationnement des camping-cars se limite en ce début des années 2000 aux infrastructures existantes dans les terrains de camping. Il s'agit dans la plupart des cas d'une simple dalle permettant de vidanger les eaux usées et les eaux vannes et de remplir le réservoir d'eau. Mais les tarifs sont les mêmes que pour une nuitée d'une caravane et les camping-caristes considèrent qu'il s'agit-là du « coût de trop ». Ils refusent très fortement d'aller dans les terrains de camping qui ne correspondent absolument pas à l'idée qu'ils se font de la liberté attachée au camping-car. Pour certains néanmoins, la nuitée en terrain de camping permet de disposer d'une sécurité souvent absente en dehors et d'aménités comme des soirées dansantes ou d'autres attractions présentes dans les terrains de camping deux ou trois étoiles.
Dans un même temps, la plasticité du camping conduit à ce qu'émergent des petits modèles de camping-cars qui peuvent passer sous les barres de hauteur et qui déploient la nuit tombée des surhauteurs permettant le couchage sur place. Cette adaptabilité remarquable du camping a poussé les pouvoirs publics mais également quelques entrepreneurs à rechercher des moyens plus performants pour « gérer » le phénomène du camping-car.
Il a fallu trouver la meilleure réponse à ce que les camping-caristes sont en mesure d'accepter. A priori, il s'agit de sites plutôt bien placés, disposant de bornes pour pouvoir recharger entièrement le véhicule et plus ou moins gratuitement selon leur localisation. Le parking situé au pied du Mont-Saint-Michel est ainsi à 8 euros la nuit pour les camping-cars, mais ceux-ci disposent d'un site adapté à leurs besoins et avec une vue imprenable sur le Mont.
La recherche d'une offre acceptable a également mis en lumière une évolution dans l'état d'esprit des camping-caristes. Si les premiers étaient forts urbains et courtois car désireux de découvrir sans gêner, leurs successeurs sont plus dans une idée de consommation et d'immédiateté. Ils ont payé, parfois fort cher, un camping-car et veulent pouvoir en disposer à leur convenance. Dès lors, tous les freins qui peuvent exister, comme les interdictions de stationner au bord du littoral pour le laisser libre d'accès pour tous ou l'obligation de payer pour que les eaux usées soient traitées par une collectivité dans laquelle ils ne paient ni impôt, ni taxe, sont souvent vécus comme des injustices. Cela conduit à des comportements parfois peu civiques et assez éloignés de l'esprit du camping. Il est même parfois possible de s'interroger sur l'appartenance de certains camping-caristes à la grande famille du camping.
Héritiers des premiers campeurs épris de mobilité et de liberté, les camping-caristes d'aujourd'hui n'en sont pas moins de réels citadins, à qui il est souvent difficile d'enlever tout confort. Les camping-caristes sont sans doute les campeurs actuels les plus éloignés de l'esprit créateur du camping.