Nos paysages et nos cadres de vie nous ont parfois laissé des images en noir et blanc, venues d'anciennes photographies ou cartes postales, qui nous donnent souvent une impression nostalgique du temps qui passe, la couleur donnant à ces images une présence beaucoup plus actuelle ; celle de notre vie d'aujourd'hui. Cette vision du temps qui passe est très sensible lorsque les images d'avant sont recolorisées et il nous est aujourd'hui possible d'apprendre à voir notre environnement et nos paysages comme porteurs du temps passé, du temps présent mais aussi déjà des temps à venir.
Pour cela, l'important est d'apprendre à voir à travers des prismes variés. Le premier est celui qui est lié aux dégradations amenées par le temps sur les édifices et qui ne sont souvent pas visibles par ceux et celles qui n'en voient que la beauté. Le second est celui de la couleur ou plutôt des couleurs et de leur association. L'Eure est un département magnifique dont la principale caractéristique est très certainement sa bichromie. Apprenons alors ensemble à en décrypter les différentes expressions.
À partir de 35.000 photographies prises par les membres du STAP depuis le début des années 2000, nous avons recensé neuf grandes catégories distinctives des constructions bichromiques de l'Eure.
Le colombage est apparu comme une évidence. Il a été de nombreuses fois photographié, ce qui ne veut pas dire pour autant qu'il correspond à « l'espèce » architecturale la plus courante. Mais cela veut dire qu'il représente, de manière subjective pour ceux et celles qui ont pris les photographies, une part importante de l'identité normande.
Viennent ensuite deux grandes catégories de constructions que l'on peut distinguer par le matériau constituant le chaînage de leurs angles et celui présent autour des ouvertures avec de la brique ou de la pierre.
Les chaînages de brique sont plus courants que ceux en pierre de taille, sans aucun doute parce qu'ils sont plus faciles à produire et qu'ils coûtent moins cher lors de la réalisation. Parfois, les remplissages sont en moellons mais le plus souvent en matériaux équivalents ou inférieurs à la brique.
Les chaînages en pierre de taille sont assez fréquents dans les communes situées le long des fleuves car le transport était facilité. Le remplissage se fait alors en brique, en brique recouverte d'enduit ou plus rarement en pierre taillée ou en moellon. Tout comme pour le colombage, la composition structurelle sert également de motif décoratif.
Avec le temps, les constructeurs tentent faire croire à l'usage de la pierre de taille mais en utilisant des matériaux moins coûteux comme l'enduit ou en mâtinant la pierre de taille de brique pour les chaînages. Cela leur permet de continuer à évoquer la structure porteuse du bâtiment
Parfois, les chaînages disparaissent et seuls les bandeaux subsistent ou bien la bichromie est remplacée par une autre, voire complètement recouverte. Ainsi, seuls les niveaux sont toujours visibles.