Il est assez fréquent que l'on cherche à savoir ce que nous réserve l'avenir, notamment afin de pouvoir s'y préparer. L'exercice de prospective est en soi intéressant si on le considère en tant que tel, soit comme une réflexion collective permettant de visualiser des scénarios d'évolution possible et de voir s'il est nécessaire de trouver des parades lorsque ces scénarios conduisent à des modifications assez conséquentes et surtout lorsqu'elles mettent en péril le fonctionnement systémique sociétal dans lequel nous nous trouvons.
Il existe ainsi trois niveaux de prospective qu'il est possible d'analyser, celui de la prévention d'un risque potentiel, comme cela peut être le cas pour les inondations dans les secteurs connus pour être inondés chaque saison. La société peut s'y préparer non sans difficultés. La deuxième est liée à un phénomène de crise, plus ou moins prévisible et prévu, et qui nécessite donc que des parallèles soient faits avec le premier niveau. Il est alors possible de rétablir le fonctionnement du système. Et le troisième est celui de la rupture. Heureusement bien moins fréquent que les deux premiers, il n'est pas plus problématique puisqu'il conduit à ce que les solutions ne débouchent pas forcément sur le même fonctionnement de société mais potentiellement sur un nouveau système.
Lors de l'Atelier de l'Oise n°26 en septembre 2007, nous avons réuni une trentaine de personnes pour analyser les futurs possibles du camping à 10, 20 et 30 ans. Pour corser l'affaire, nous avons divisé les participants en plusieurs petits groupes et chacun recevait toutes les 20 minutes environ une « carte à jouer » qui comportait une information importante comme, par exemple, une hausse du pétrole conduisant à un prix à la pompe de 5 euros, l'interdiction d'avoir une résidence secondaire comme aux Pays-Bas pour éviter la surconsommation d'espace, le réchauffement climatique conduisant à une forte montée des eaux ou à une baisse du nombre de semaines de congés payés... Il ne fallait ainsi pas que le groupe imagine le futur d'une manière tendancielle soit en poursuivant les « tendances » qui sont visibles aujourd'hui, mais bien qu'il s'interroge sur les courants sous-jacents du camping qui allaient perdurer quel que soit le système et qu'il réanalyse ses propres certitudes par rapport à ces « cartes » qui bousculent les idées reçues et qui conduisent à devoir prendre en compte des informations parfois peu gaies et que chacun préfère oublier au quotidien.
Il n'est ici question de reprendre les conclusions auxquelles sont arrivées chaque groupe mais plutôt de s'interroger sur le resserrement en terme de courants sous-jacents adopté par chaque groupe. Les cartes reçues étaient vraiment différentes et ne menaient pas à des futurs identiques. Il aurait été possible de penser que le futur ou plutôt les futurs du camping pouvaient prendre plusieurs visages selon les évolutions sociétales. Cela n'a pas été le cas. L'ensemble des groupes, au fur et à mesure que s'accumulaient les contraintes et les modifications d'ampleur pour la société, est progressivement revenu aux fondements du camping.
Ces fondements sont ceux du retour à la nature. Quelle que soit la société donnée ou à imaginer, le camping redevenait « une activité de plein air exercée dans la nature », soit sa définition des années 1900.
Or, les personnes qui constituaient ces groupes n'étaient pas toutes spécialistes du camping et, comme nous avons pu le voir dans d'autres ouvrages ou études, méconnaissent souvent profondément l'histoire même du camping en général et ne la commencent que, pour certains par leur propre histoire familiale et, pour d'autres par les années 1970 et l'arrivée de la caravane. Avez-vous ainsi noté qu'il n'est jamais besoin de définir ce qu'est le camping ? Car tout le monde sait ce qu'est le camping. Il est ainsi de sa définition comme de son histoire.
Les participants ne pouvaient savoir qu'en choisissant, dans des groupes distincts, et suivant des évolutions sociétales différentes, le retour à la nature, ils mettaient en fait en évidence le sens profond du camping. Aucun des groupes n'a pensé à la fin du camping, ce qui est déjà en soit une forme de reconnaissance, pour la société française, du rôle très important de cette pratique sociale. Au contraire, plus le quotidien devenait difficile à appréhender car très différent de ce que nous pouvions vivre actuellement et aussi à imaginer pour nos enfants car plus complexe à gérer en terme ne serait-ce que de protection de la nature ou de gestion des impacts de chacun de nos gestes, plus les participants considéraient qu'il fallait conserver et pérenniser cette « bouffée d'oxygène » qu'est le camping. Ils ôtaient au fur et à mesure de la pratique tous ses artifices contemporains comme les piscines chauffées ou les palmiers plantés artificiellement pour ne conserver que le départ de la ville, l'arrivée dans la nature et le ressourcement.